Champ thématique

« Energie, environnement et mutations sociales »

 

S’il demeure important de bien spécifier les enjeux environnementaux ou sociaux auxquels sont confrontés les organisations productives et l’action publique, un enjeu encore souvent sous-estimé mérite d’être approfondi : les interactions entre actions environnementales et cohésion sociale. Par exemple, quels sont les effets différenciés – selon la catégorie socio-professionnelle, selon le niveau de richesse, selon le genre, etc. – de nouvelles stratégies environnementales (écoconception, sourcing de proximité,  etc.) ? Inversement, quelles transformations sociales, dans l’entreprise ou dans son environnement, bloquent ou favorisent une meilleure gestion des défis environnementaux ? Comment concilier taxation environnementale et justice sociale ? etc. Bref, quelles connaissances avons-nous sur les dilemmes sociaux et environnementaux – au-delà de l’optimiste win-win de nombreux discours – et les possibilités de résolution ? C’est un des défis que se donne le thème central de ce congrès sur les relations entre énergie, environnement et mutations sociales et leurs impacts sur les pratiques et stratégies d’acteurs sur le terrain, confrontés à de multiples défis sociétaux et écologiques : transitions écologique et énergétique, déploiement de pratiques environnementales, situations de mal-être au travail, pour ne citer que quelques exemples actuels.

 

Comme l’écrit le philosophe Patrick Viveret[1] : « C’est à cette perspective d’une société du « bien-vivre » qu’œuvrent des acteurs d’une économie solidaire qui cherche dans le monde entier à sortir de l’obsession compétitive pour construire ces logiques collaboratives dont nous avons le plus urgent besoin pour affronter les défis colossaux du XXIe siècle. »

 

La programmation du congrès a ainsi comme ambition d’approfondir l’analyse des relations entre énergie, environnement et mutations sociales dans une approche holistique autour d’acteurs variés comme l’Etat, les marchés, les ONG, les chercheurs, la société civile. Cette programmation incite à dépasser le strict examen des pratiques et des dispositifs de gestion, pour envisager de nouveaux modèles économiques basés sur l’innovation durable et l’économie collaborative favorisée par de l’intelligence collective.

 

Envisager le trinôme « énergie, environnement et mutations sociales » requiert de s’intéresser à la manière dont les sciences dans leur diversité abordent les intérêts et enjeux en présence et le jeu des acteurs autour des questions suivantes dont la liste n’est pas exclusive.

 

1. Quels processus d’appropriation des techniques innovantes durables ?

Comment accompagner les entreprises, notamment les PME, dans leur intégration stratégique de solutions durables comme l’écoconception ou les démarches d’efficacité énergétique ? Comment promouvoir des technologies plus propres et sobres ? Comment sensibiliser les organisations à la réduction de leurs impacts environnementaux locaux et planétaires ? Quel rôle peuvent jouer des acteurs de proximité comme les chambres de commerce et d’industrie, les centres techniques, les organismes spécialisés dans l’environnement ?

 

2. Croissance durable, décroissance durable : des concepts à construire, co-construire, déconstruire ?

La volonté européenne affirmée d’une croissance durable par la promotion d’une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive est-elle réaliste ? Comment concilier une croissance durable et une croissance inclusive favorisant la cohésion sociale et territoriale ? A l’inverse, parler de décroissance est-il soutenable, suffisant ? Quel rôle jouent les parties prenantes externes comme les organisations non gouvernementales (ONG) ? Comment encourager l’approche en termes de systèmes produits-services (SPS)? Quelles sont les limites, conceptuelles et empiriques, de la notion de croissance durable ?

 

3. Comment concevoir une (ré)industrialisation soutenable des territoires ?

L’industrialisation est souvent présentée comme un mode de production insoutenable. Mais n’est-ce pas réducteur et historiquement daté ? N’est-ce pas oublier que l’industrialisation peut affecter les secteurs primaires ou tertiaires, et pas seulement l’industrie manufacturière ? N’est-ce pas oublier que la production industrielle intègre nécessairement des activités dites immatérielles (échanges de connaissances, activités d’interface…) qui ne deviennent visibles à l’échelle macroéconomique que quand elles sont externalisées ? Est-ce l’industrialisation ou le mode d’industrialisation qui pose problème, dans ses orientations techniques, dans ses choix de localisation, dans ses modes de management, etc. ?  Quels nouveaux modèles économiques visant une performance revisitée de la relation client-fournisseur sont encore à inventer ? Quels sont leurs impacts en termes de nouvelles compétences attendues ? Quels sont les effets sur le management des connaissances en termes de capitalisation des connaissances émergentes et de prise en compte des évolutions induites ? Comment encourager les initiatives inspirées de l’économie circulaire ? Quels outils peuvent aider à évaluer des pratiques plus soutenables d’industrialisation ? En quoi les transitions écologique et énergétique peuvent influencer ou réorienter l’industrialisation des territoires ? Réciproquement, en quoi l’industrie peut-elle contribuer à ces transitions (développement de circuits courts de production / consommation, valorisation des ressources locales, etc.) ?

 

4. Intégrer santé-sécurité au travail et enjeux environnementaux

Comment les opérateurs économiques de la santé réagissent-ils à cette problématique ? Comment les entreprises répondent-elles aux attentes de leurs salariés ? Comment la souffrance des dirigeants, des cadres, des opérateurs est-elle prise en considération ? Le déploiement de normes de management sur la santé (de type ISO) au travail est-il nécessaire, souhaitable ?

 

5. Quels systèmes d’information pour une innovation durable ?

Comment définir et étudier une innovation durable ? Comment appréhender les différents niveaux des systèmes d’innovation (du global au local) ? Comment faire vivre des communautés de pratiques sur le thème de l’innovation durable ? Les plateformes collaboratives nécessitent-elles le développement de nouvelles compétences ? Comment protéger les innovations dans un cadre ouvert ?

 

Au-delà de ces thèmes, le conseil scientifique du 11ème congrès RIODD étudiera toutes les propositions de communication relevant des thèmes habituels du RIODD : finance responsable et alternative, RSE, gouvernance, entreprises et société, indicateurs de performance, piliers économiques et sociaux du développement durable… (liste non limitative) en prêtant attention à la fois à leurs qualités conceptuelles (précision du cadre théorique, enjeux épistémologiques, solidité des références…) et/ou à leurs qualités empiriques (qualité et pertinence du terrain étudié, originalité, précision de l’étude, solidité du matériel soumis à interprétation…).

 



[1] Le Monde – 12 novembre 2014

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